CENT ET UN METIERS


Qu’il s’agisse des fournisseurs, des artisans ou des commerçants, tous les métiers que nous avons retenus relèvent des savoir-faire qui concourent à la réalisation d’un meuble ou d’une menuiserie d’intérieur comme, par exemple, les cloutiers, les tapissiers, les menuisiers en chaises, les apprêteurs de peaux et autres métiers souvent laissés dans l’ombre.


Chacun de ces métiers est succinctement expliqué comme le montre la fiche « scieur de long » : étymologie du nom, savoir-faire, matière employée et utilisations, outils, professions approchantes ou dérivées ; sont citées les sources auxquelles nous nous sommes référés. Le dictionnaire regroupant l’ensemble des fiches de présentation des métiers n’est pas encore disponible sur le site – il le sera bientôt.


Alors que la majorité des auteurs a consacré ses recherches à démontrer – fort brillamment au demeurant – la magnificence des œuvres attribuées aux maîtres, il nous a paru indispensable de faire sortir de l’anonymat tous les talents qui ont permis ces chefs-d’œuvre.


Si ces modestes créateurs n’ont pu acquérir un renom, c’est que les que les maîtres n’étaient pas des concepteurs. C’est grâce aux ornemanistes et autres architectes d’intérieur – parfois simples marchands merciers ou tapissiers – que la production s’est modifiée dans ses différents styles.


S’il n’y avait pas eu ces cent et un métiers, ces mille et une mains expertes, un JACOB ou un RIESNER n’aurait pas eu l’occasion d’apposer son estampille sur tant de réalisations. Du XVIIIe au XIXe siècle, aucune profession n’a fait appel à autant de participants.


En portant notre attention sur la gravure ci-après, nous constatons que près de vingt métiers ont contribué à la réalisation de ce petit meuble, appelé « serviteur muet ». Pour commencer, le travail du modeste et robuste scieur de long - voir l’illustration- ; puis celui des marchands de bois : un premier pour le bois courant, celui du bâti du meuble, et un second pour le bois des îles ou bois indigène, voire le bois des fruitiers, tous destinés au placage et à la marqueterie de l’ébénisterie. Avant d’être utilisés, tous ces bois auront vieilli des années durant dans les cours du faubourg. Des bronzes apparaissent sur ce meuble qui nécessitent, en amont, la maîtrise du mouleur, du fondeur, du bronzier et du bronzeur, lesquels cèdent bientôt la place au ciseleur, au doreur puis au monteur en bronze. Ce petit « serviteur muet » présente une décoration avec des filets, des parements et des piétements en cuivre posés par d’autres spécialistes. Enfin c’est au marqueteur d’intervenir car il y a deux essences de bois de placage. Quand il y a des rosaces ou des guirlandes entrelacées, c’est le travail du découpeur en marqueterie ou fleuriste. Parfois un meuble nécessite l’intervention d’un marbrier aux diverses spécialisations, celles du sculpteur, du polisseur, voire du marqueteur en marbre. Puis vient le tour du vernisseur ou du laqueur qui partagent parfois la finition avec le peintre doreur.


Quand certains meubles, tels les sièges ou les secrétaires, recèlent des tiroirs à secret ou des abattants avec des fermetures et des mécanismes complexes, le maître d’œuvre s’adjoint les compétences du serrurier. C’est à lui qu’il fait appel pour la visserie, les roulettes de lit, les ferrures, les colonnes des dais, les gonds des armoires, les axes des pliants, les crémaillères des grands fauteuils, les galets et les cadres sur lesquels sont montés certains fauteuils pivotants qui servent à la toilette ou pour un bureau. Sans oublier l’importance grandissante du mécanicien qui cumule souvent sa fonction avec celle du serrurier et accompagnera au cours du XIXe siècle le développement de la machine outil et la révolution technologique apportée par la machine à vapeur.


Nous devons encore évoquer les métiers annexes qui fournissent aux artisans les produits et les outils dont ils ont besoin ; ainsi, les tisserands, coloristes, teinturiers, tireurs d’or, taillandiers, aiguiseurs, fabricants de cire, de colle et combien d’autres… La liste n’est pas exhaustive puisque chaque meuble est un cas particulier. Si le meuble, comme notre « serviteur muet », est facilement transportable, la tâche des multiples intervenants s’achève sur le dos du troleur qui le livre chez le marchand avant qu’il ne trouve sa place définitive dans quelque intérieur bourgeois. Tant de meubles que le modeste artisan ne laissera partir qu’à regret ; il a en effet peu de chances d’en acquérir même un seul pour son usage personnel : ce n’est pas dans ses moyens !


M.G.


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Eclatdebois - Cent et un métiers


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Collection G.C. Lebrun - Meuble de famille