FICHIER 6C25

FICHIER DE L’ATTENTAT DU 13 SEPTEMBRE 1841

PERPETRE SUR LE DUC D’AUMALE

Bibliothèque Nationale de France, Gallica/Cours des Pairs/Interrogation des inculpés, acte d’accusation et procès-verbal des séances/Google livres, dictionnaire de la Conversation/Archives nationales, série CC



Fichier croisé 6C25


Sources :



Contenu :


148 entrées constituent ce fichier. Elles ont donné lieu à nombre de recoupements pour lesquels notre ami excelle. Et quel plaisir pour le chercheur qui découvrira son ancêtre autrement que d’une manière anonyme.


Historique :


Le 13 septembre 1841, le duc d'Aumale rentrait à Paris, à la tête du 17e régiment d'infanterie légère, qu'il ramenait d'Afrique. Le duc d'Orléans était allé au devant de lui à Corbeille (Corbeille Essonne) ; le duc de Nemours les avait rejoints à Vitry. Un nombreux état-major attendait l'arrivée des princes à la barrière du Trône et leurs servit de cortège. Une affluence considérable se portait sur le passage du régiment ; la rue du faubourg Saint-Antoine regorgeait de monde. Vers une heure de l'après-midi, on arrivait à la hauteur de la rue Traversière. Un groupe d'individus passa devant les princes en criant : « Vive le 17e ! à bas Louis-Philippe ! à bas Guizot ! à bas la famille royale ! à bas les princes ! « Aussitôt un coup de pistolet se fit entendre et le cheval du lieutenant-colonel Levaillant, atteint à la tête, tomba roide mort en renversant son cavalier. La 1ère division du régiment veut, dans son indignation, se précipiter sur la foule, mais le duc d'Orléans fait mettre l'arme au pied et ordonne que personne ne bouge. Des sergents de ville et des gardes municipaux se jettent sur l'homme qui vient de tirer et le conduisent au poste. Une ordonnance du Roi saisi la Chambre des Pairs du jugement de cet attentat commis contre les membres de la famille royale. L'individu arrêté déguisa d'abord son nom ; mais il ne tarda pas à avouer qu'il s'appelait François Quénisset, qu'il était scieur de long et qu'il était né à Scelle (Haute-Saône) en 1814. Engagé volontaire il avait été condamné pour voies de fait et insubordination envers un caporal, à cinq ans de boulet ; peine qui fut commuée en trois ans de détention. Au bout de deux ans, il s'était évadé, et était venu se cacher à Paris sous le nom de Papart. Condamné de nouveau correctionnellement à quelques mois de prison, à la suite d'une rixe, il subit sa peine à Sainte-Pélagie et y rencontra un nommé Mathieu, l'un des condamnés d'avril [1834], qui, suivant l'expression de Quénisset, travailla de concert avec d'autres détenus politiques « à le plier à leur doctrine et à le pétrir, et en faire un homme d'action ». Sorti de Sainte-Pélagie, il se remit à travailler de son état. Mais il se sentait malheureux ; il avait contracté une liaison avec une fille Leplâtre qu'il avait rendu mère et qu'il désirait ardemment épouser. Il sollicita du maire de sa commune, une attestation qui établirait le grand âge de ses parents, leur infirmité et le besoin qu'ils avaient de ses secours, dans l'espoir d'obtenir, au moyen de cette pièce, la remise entière de sa peine en même temps que sa libération du service militaire. Ce certificat n'ayant pu lui être délivré, il en conçut une profonde irritation et ayant rencontré un ancien condamné politique, il se laissa affilier par lui à une société secrète qui avait pour titre « Les Travailleurs Egalitaires » et dont le but était d'obtenir, au moyen d'une révolution, la création d'ateliers nationaux et des écoles mutuelles gérés par l'Etat où le pauvre et le riche serait confondu dans le travail comme dans l'instruction. L'ouvrier devait être payé par un taux fixé par la loi et ne pas travailler plus de 8 heures par jour. Après lui avoir, suivant l'usage bandé les yeux, on fit jurer à Quénisset sur sa tête de se dépouiller de ses biens et de sa fortune, de quitter sa femme et ses enfants, et de se trouver dans la rue au premier cri d'alarme, de se battre sans compter le nombre de ses ennemis et enfin de ne jamais répéter ce qu'ils entendrait dire. Le 13 septembre, Paris était agité depuis plusieurs jours par les nouvelles des départements que le recensement avait mis en feu. Les sociétés secrètes s'agitaient. « Les Travailleurs Egalitaires » jugèrent que l'entrée des princes à la tête d'un régiment, pouvait offrir une chance de conflit. Dès le matin, les chefs se mirent en branle pour rassembler leurs hommes. Quénisset fut armé de deux pistolets et un des affiliés lui donna pour consigne de tirer sur le corps d'officiers. Après avoir tiré Quénisset faisait deux ou trois pas pour se sauver, lorsqu'il fut arrêté sans que ses compagnons fissent rien pour protéger sa fuite. Le soir même, plusieurs membres de la société se réunirent dans un cabaret pour aviser à ce qu'il y avait à faire après l'avortement du coup du matin. La police avertie de cette réunion, fit saisir, le lendemain, tous ceux qui y avaient assisté. Les aveux de Quénisset simplifièrent beaucoup l'instruction de l'affaire et 16 personnes furent comprises avec lui dans l'acte d'accusation. De ce nombre était Dupoty, rédacteur en chef et gérant du « Journal du Peuple ». Une lettre dans laquelle un inculpé lui disait que Quénisset les avait vendus et où il le priait de prendre leur défense, lettre saisie à la Conciergerie, le fit comprendre dans les poursuites, bien que personne ne pu dire qu'il eût pris une part quelconque à l'exécution du complot et que son journal n'eût jusqu'alors été l'objet d'aucune poursuite judiciaire. Cette lettre adressée à Dupoty par un inculpé pouvait donner l'apparence d'un indice matériel rattachant au complot le journal dont les auteurs de l'attentat faisaient leur lecture assidue. Le 3 décembre les débats s'ouvrirent devant la cour des pairs. Quénisset fut défendu par Maître Paillet et Maître Garnier, Dupoty par Maître Ledru Rolin, etc. La plupart des inculpés rejetèrent sur Quénisset, l'exaltation de ses opinions, niant avoir pris part à l'attentat ou complot. Quénisset se laissa aller à injurier ses complices et à les accuser d'être la cause de son déshonneur. Maître Ledru Rolin, dans deux discours substantiels, s'efforça de faire comprendre que les articles du « Journal du Peuple » échappaient à la juridiction de la cour et que rien ne prouvait la participation de Dupoty à un complot. À la fin des débats, Quénisset appuya encore sur sa véracité. « Il voudrait, disait-il, que son sang pût rejaillir sur ces républicains qui l'avaient abandonné au moment de l'exécution de leur projet afin qu'ils fussent reconnus et qu'on se défiât d'eux. » Après plusieurs jours de délibérations, la Cour des Pairs rendit, le 23 décembre, un arrêt qui acquittait cinq des accusés, qui en condamnait à mort trois autres (Quénisset, Colombier et (Brazier dit) Just, déclarés complices) et prononçait la peine de la déportation ou celle de la détention contre quinze des prévenus en cause. Dupoty, fut condamné à cinq ans de détention.


Le 6 janvier 1842 le roi commua la peine prononcée contre Quénisset en celle de la déportation, et celle prononcée contre Colombier et Just, en celle des travaux forcés à perpétuité. Quénisset déporté aux États-Unis, mourut à la fin de juillet 1850 de la dysenterie à Stockton, en Californie où il tenait un petit commerce de vin.


Le procès Quénisset eut un grand retentissement. Les révélations du principal accusé montraient les sociétés secrètes sans chefs, sans union, sans argent, sans moyens d'action. On n'avait trouvé parmi les conspirateurs, que des ouvriers imbus surtout des idées d'une réforme sociale. Quelques-uns avaient pris le titre d'égalitaires, d'autres celui de communistes ; une fusion avait été tentée avec les réformistes. Dupoty avait déclaré dans sa défense, que « c’était par la réforme politique qu'on voulait arriver aux réformes sociales ». On chercha donc à comprendre ceux qui demandaient la réforme électorale avec les conspirateurs et les communistes, et le « Journal des Débats » se félicitant de l'issue du procès de l'affaire du 13 septembre, s'écria: on voit que le rappel des lois de septembre est inexécutable, et que la réforme électorale est impossible puisqu'elle donnerait le pouvoir aux communistes ; « à vous honnête gardes nationaux à voir si vous voulez tremper dans le partage des biens en vous associant à la réforme électorale ». Le gouvernement cru dès lors devoir systématiquement repousser toute réforme. Le fameux « Rien, Rien, Rien » devint sa devise. Pendant sept ans, il lutta pour la conservation de ce qui existait ; mais l'opposition grandit dans toutes les classes, et faute d'avoir accordé ce qui était juste et raisonnable en son temps, un jour vint où le trône croula au cri de « Vive la réforme ! »


eclatdebois