PREFACE



Combien de générations d’archivistes et de bibliothécaires ont-elles fait des fichiers et des catalogues ? Combien de générations d’historiens et de généalogistes ont-elles créé des fichiers, dont certains ont été publiés ? Tous fichiers, inventaires, répertoires, qui furent écrits ou imprimés à l’encre sur du papier ! Né en 1949, j’ai fait mes études en un temps où nous percevions que l’ordinateur apporterait quelque chose à nos professions, mais nous ne voyions pas quoi ni comment… Peu à peu, les pratiques de nos métiers, comme celles de tant d’autres, ont été bouleversées par l’ordinateur, et peut-être surtout par Internet. Tel fichier, hier consultable dans telle salle de tel établissement, est désormais informatisé et peut être consulté par n’importe qui, n’importe où, n’importe quand. D’une part, donc, on convertit des fichiers et catalogues existants, et d’autre part, on ne crée plus de fichiers que sous forme informatisée.



Cela, c’est l’accessibilité des données, mais le site que voici est un bel exemple d’un nouvel effet d’Internet, qui découle du précédent : l’équipe qui crée le présent dictionnaire ne se serait pas engagée dans pareille aventure si elle n’avait eu la possibilité de l’ouvrir à tout un chacun. Un tel travail en circuit fermé n’aurait pas eu de sens, en tout cas pas pour eux. Par ailleurs, cette équipe est parisienne, et on sait combien l’histoire et la généalogie parisiennes souffrent de la destruction, en mai 1871, des registres de catholicité antérieurs à 1792, et de l’état civil antérieur à 1860.



Maintenant, voyons donc un peu ce que c’est que ce Dictionnaire des fournisseurs, artisans et commerçants de l’ameublement et de la menuiserie d’intérieur. L’équipe a entrepris de dépouiller un grand nombre de sources, manuscrites et imprimées. Fragments sauvés ou reconstitués de l’état civil parisien antérieur à 1860, registres de catholicité (et leur équivalent pour les protestants et les juifs), sources judiciaires, militaires, professionnelles, fiscales, électorales : reportez-vous au répertoire des sources étudiées, c’est un bon guide du chercheur à Paris !

En dépouillant tout cela et en établissant des notices individuelles faites de tous les renseignements relevés, intéressant la même personne, le dictionnaire croise les données d’une façon merveilleusement fructueuse. Voici un exemple (faut-il avouer que ce n’est pas moi qui l’ai trouvé ?) : Victor Marie Aubry, né dans les premières années du XIXe siècle. En 1823, il est soumis au tirage au sort pour le service militaire. Il habite chez ses parents, qui sont nommés. Mesurant moins de 1,60 mètre, il n’est pas incorporé. En 1825, nous le retrouvons serrurier, marié, demeurant rue de Charonne. On trouve son nom dans les actes de baptême de ses neuf enfants (registres de la paroisse Sainte-Marguerite, 1825-1847). Il est aussi le témoin de deux mariages (en 1842 et 1845 ; le premier mariage est celui d’un serrurier, Claude Nicolas Henri Leloup, qui fera l’objet d’une autre notice). Le parrain d’un des enfants de V.M. Aubry est Étienne Nicolas Bonin, sculpteur, qui lui aussi fera l’objet d’une autre notice. Un autre document signale encore notre homme en 1857. Il est clair que, le travail avançant, le dictionnaire nous en apprendra plus sur V.M. Aubry. Nous savons qu’il est marié avec Thérèse Louise Mau ou Maux. Où et quand se sont-ils mariés ? Où et quand sont-ils morts ? Les réponses viendront peut-être grâce au dépouillement qui progresse sans cesse. Les sources fiscales et judiciaires pourraient aussi parler. C’est ainsi qu’émerge une foule de petits, de sans-grades, dont nous apercevons les relations sociales et les conditions économiques. Les généalogistes y trouveront pâture, mais aussi les historiens : quel beau champ où s’ébattre pour des historiens de la société et des historiens de Paris !



Faut-il regretter que, en dépouillant tout, ils n’aient pas tout relevé ? En effet, le dictionnaire se limite à certaine catégorie de métiers – une centaine déjà ! Bien sûr, on aimerait que, au lieu de faire un choix dans les données dépouillées, ces chercheurs les relèvent toutes, et identifient ainsi toute la population parisienne de la période étudiée ! Mais chacun comprend que, cette fois, il n’y aurait plus qu’à baisser les bras. C’est la liberté du chercheur – ou d’une équipe de chercheurs – de choisir le sujet de sa recherche.



Par ailleurs, il convient de souligner que ce site est totalement gratuit, entièrement libre d’accès. Rien ne peut être plus commode pour les utilisateurs, qui ne peuvent qu’exprimer leur gratitude.



Félicitons donc l’équipe de Georges Claude Lebrun pour l’allant, la cohérence et la compétence qu’elle apporte à ce travail. Dans cette équipe, on me pardonnera de saluer particulièrement Jean-Claude Richard. Son travail n’est sans doute pas supérieur à celui des autres – ni inférieur ! Mais c’est pour moi le moyen de souligner que lui et moi, nous sommes deux et non un seul.



Mais cette équipe si active et savante, n’oublie pas qu’elle peut se tromper. Que, de toute façon, elle ne sait pas tout. Aussi fait-elle appel à tout le monde pour corriger, compléter, améliorer son travail. Ce site est interactif : à vous, à moi, si nous avons des indications nouvelles à proposer dans ce sens, de les soumettre à qui de droit. Avec le même désintéressement.


Jean-Claude RICHARD,

Archiviste paléographe,

conservateur en chef à la Bibliothèque Nationale de France


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Archives de Paris, reproduction d'affiches révolutionnaires